La Manipulation Emotionnelle Sournoise
Alina Frank
Lorsque j'ai découvert ce que veut dire «gaslighting», j'ai réalisé que ce terme, désignant la violence émotionnelle dans une relation amoureuse, décrivait très clairement l’origine des problèmes de bon nombre de mes clientes.
Gaslighting, (ou « décervelage » au Canada) tire son nom du film Gaslight de 1944, dans lequel Ingrid Bergman jouait le rôle de l'épouse d'un homme qui veut lui faire croire qu'elle est folle. Dans le film, son mari se rend de temps en temps au grenier et manipule le gaz des lumières de la maison, les faisant baisser et augmenter. Lorsqu’elle lui dit avoir vu quelque chose se passer avec les lumières, il affirme qu’il n’y a rien eu. Il glisse également dans ses vêtements des objets qu'elle retrouve plus tard alors qu’ils ne devraient pas être là. De ce fait, elle s'interroge car elle n’a pas souvenir de les avoir mis là.
Cela illustre parfaitement la tactique utilisée par une personne qui pratique le gaslighting. Il s’agit de faire croire à la victime ou à la cible qu’elle a tort ou qu’elle a perdu le contact avec la réalité. Lorsque ces actions sont répétées, la cible finit effectivement par se demander si finalement elle n’a pas tort. Dans certaines conditions, à force de répétions, la cible finira par se croire devenue folle.
Comment procède le manipulateur « gaslighter »?
Souvent le manipulateur commence par avoir recours au gaslighting lorsqu'il est sur le point d'être surpris en train de mentir, ou lorsque la cible perçoit quelque chose chez lui qu’il ne veut pas avouer. Il s'agit généralement d'une question qui les concerne tous les deux. Le manipulateur peut se montrer très convaincant. Petit à petit, il sèmera le doute dans l’esprit de de sa cible jusqu’à ce qu’elle finisse par remettre en question sa propre perception de la réalité.
Une cliente que j’aidais à ce sujet avait trouvé dans le téléphone de son mari un message inapproprié provenant d’une ancienne petite amie. Lorsqu'elle en a parlé à son mari, il a nié que cela soit vrai et a déclaré qu'elle devait imaginer des choses. Ma cliente était très stressée à ce moment-là et il s’en est servi contre elle en disant : « Vraiment chérie, tu as essayé de jongler avec tellement de choses ces derniers temps. Ce n’est pas étonnant, n’est pas, que tu as cru voir quelque chose ? »
Une autre cliente se souvenait que chaque fois qu'elle rappelait à son partenaire quelque chose qu'il avait dit dans le passé, il lui disait qu'elle avait une mauvaise mémoire et qu'il ne l'avait jamais dit.
Ces manipulateurs particuliers aiment formuler leurs arguments avec grand soin. Ils sont souvent très intelligents et, par conséquent, on peut avoir le sentiment que l’on ne peut pas gagner da. Et comme si cela ne suffisait pas, ils parviennent à convaincre l’entourage qu’ils sont attentionnés et pleins de bonne volonté, incapables de faire ce dont leur cible les accuse. Il leur faut parfois des années pour construire soigneusement et méthodiquement une image irréprochable. Dans ces conditions, qui va croire la victime ?
Joanna, un cas type
Ma cliente, Joanna, ne s’était pas encore remise du choc de la rupture avec sa dernière relation. Elle avait renoncé à tous les hommes de sa vie. Elle savait que cette décision, qu'elle avait prise sept ans avant de me voir, interférait avec sa capacité à développer sa nouvelle entreprise de coaching. "J’ai abandonné mon rêve de vivre en couple, et je vais j'abandonner le rêve de ma vie dès je rencontrerai une difficulté dans mon entreprise."
Nous avons travaillé sur plusieurs scénarios de gaslighting de la part son ex, Georges. Quelques-uns impliquaient Georges disant :
« Tu es beaucoup trop sensible. Je me demande qui te supporterait un seul jour ? ».
Nous avons tapoté pour les ressentiments qui restaient encore à son sujet, puis nous sommes passés à ce qui était sous-jacent : sa faible estime d’elle-même, la conviction de n’avoir aucune valeur, que l’on trouve régulièrement chez les personnes « gaslightées ».
Joanna avait grandi dans une famille où elle était l'enfant de milieu. Ses parents l’ignoraient tout en louant tout ce que faisait sa sœur aînée et en consacrant leur l’attention à son jeune frère, le Petit Prince. Joanna reconnaissait qu'une partie du problème avec Georges résidait dans l’acceptation de ses manipulations parce qu'elle avait constamment peur d’être rejetée. Car, au fond d’elle, elle pensait qu’elle ne pouvait pas être aimée.
Grâce à nos séances et à ses propres tapotements, Joanna a appris à s’aimer et s’accepter. Non seulement sa nouvelle confiance en elle s’est traduite par le fait qu’elle avait rapidement doublé le nombre de ses clients peu de temps après notre travail. Quelques années plus tard, elle m'a également écrit pour me dire qu'elle était maintenant fiancée !